Aujourd'hui est un grand jour pour moi. Toute la famille (ou presque) se retrouve à l'Hôpital St-Luc, en cellule de crise pour extrême urgence, afin de discuter de mon cas. Et je suis super contente. Je pense que j'attends ce jour depuis... belle lurette ! Je me sens fin prête à témoigner de mon histoire, depuis le 21 décembre 2012. Quoique... Je ressens qu'il me faut l'écrire d'abord, pour m'assurer de ne pas être déstabilisée une fois là-bas, à 15h30 ! Je ne dois pas non plus oublier de rappeler mon Roi Albert avec qui la séance s'est mal terminée, hier. Et puis, je me fais une joie de voir mon ostéopathe à 19h. Elle me fait un bien fou. Et maintenant, place au récit.
21 décembre 2012 : Je quitte mon boulot de rédactrice en chef pour le magazine culturel Openmag et journaliste pour le magazine Modzik, à Paris. Je déménage également de ma colocation à Belleville qui était loin de me convenir à l'époque.
1 janvier 2013 : J'emménage à Goncourt avec un colocataire fort sympathique, mais me retrouve déstabilisée par ses problèmes de motricité (il est handicapé).
27 janvier 2013 : J'annonce à mon petit ami que je l'ai trompé il y a deux ans et que je ne supporte plus de garder ce lourd secret au fond de moi, à la veille de rentrer en Belgique, pour une semaine de vacances. Je lui fais aussi savoir qu'il faudra probablement que je passe par la case « hôpital psychiatrique », que j’ai besoin d’une aide et d’une écoute professionnelles.
3 février 2013 : Je suis figurante sur le plateau de l’émission culturelle belge « 50° nord » et je fonds en chaudes larmes. Burn out on the way.
4 février 2013 : Première crise. Je me mets toute nue dans le hall de l'hôpital St-Luc. Mon cœur bat la chamade et me fait mal. Il me faut respirer. Allongez-moi, prenez soin de moi, je ne contrôle plus rien. L'appel à l'aide a commencé, au bout d’une semaine extra auprès de mes amis de Bruxelles. Je reste la nuit en observation.
5 février 2013 : Je me retrouve totalement déconnectée du réel, neurasthénique, hypomaniaque, dans mon imaginaire... en face du Dr. Bogaerts, le psy qui tenta, deux ans plus tôt, de remettre Olivier d'aplomb suite à son accident de voiture dans lequel son meilleur ami, Max, a perdu la vie.
Du 6 février au 2 septembre 2013 : Je suis en dépression profonde à La Hulpe, dans la maison de ma maman et son compagnon. De longs mois durant lesquels j’ingurgite de lourds médicaments. Je n’ai plus aucun élan vital. La seule sortie de ma semaine est mon rendez-vous chez le psychiatre.
2 septembre 2013 : Je me sens de mieux en mieux grâce à la thérapie et décide de retenter ma chance dans le milieu du travail. Je décroche un stage chez Sony Music Belgium, à Evere, en promotion d’artistes, tandis que j'emménage la veille à Ixelles, dans un bel appartement géré par l'agence immobilière de mon papa. Mon petit ami termine sa thèse à Paris. Son retour à Bruxelles est prévu dans deux semaines. Mon psychiatre est en vacances. Ma maman et son compagnon aussi.
Du 2 au 16 septembre 2013 : Sony Music Belgium me plait. Sa culture, l'ambiance, les collègues, ma tutrice de stage, mes fonctions... me comblent. Seul hic, le changement de vie radical, après 8 mois au repos à la maison. Je ne connais pas bien Bruxelles, je dois trouver mes marques, seule, dans un nouvel appartement, et entamer un stage, avec son lot d’informations à enregistrer.
17 septembre 2013 : Je me sens perdre le contrôle, une nouvelle fois. Trop de données dans ma petite tête qui se remet à bouillir. Plutôt que de me rendre à mon stage, je pars chercher mon frère, sur son lieu de travail, à la Rédaction du Soir, rue Royale, afin qu'il me conduise à l'hôpital psychiatrique le plus proche.
Du 18 au 25 septembre 2013 : Je passe une semaine à l'hôpital psychiatrique César de Paepe. Une expérience incroyable. Déstabilisée et interdite de sortie les deux premiers jours, je cherche à comprendre le fonctionnement, la routine du lieu. Une séance de questions-réponses avec les autres résidents et le staff, le lundi suivant, m’éclaire et me soulage. J'accroche au principe, rencontre plein de personnes dont je me sens vite proche. Je sors une semaine plus tard.
Du 25 septembre au 1 octobre 2013 : Je retourne chez Sony Music Belgium, quand mes collègues et moi-même, fin de semaine, concluons que le stage n’est sans doute pas ce qu’il me faut pour l’instant. De fait, je ne tiens pas en place, sur ma chaise de bureau.
Mi-octobre : Bernard Carbonez, le directeur artistique d’Avenue., le projet musical de David et moi, tire subitement sa révérence.
24 octobre 2013 : Je redonne mon premier concert depuis longtemps au Rideau Rouge, à Lasne. Avenue. fait la première partie de Pale Grey. Olivier est dans la salle, je suis heureuse qu'il soit venu, à la veille de ses 27 ans. Je décide de dédicacer « No Added Sugar » à Bernard Carbonez, à la fin de ladite chanson. J’ai pleuré d’émotion sur les trois morceaux qui ont suivi et oublié de chanter le dernier. Ce jour-là, j'ai aussi eu mes règles. Pour la première fois, naturellement. Champagne.
25 octobre 2013 : C’est l’anniversaire d’Olivier et mon jour d'essai à la sandwicherie Poivre et Sel, place Stéphanie. Je suis engagée pour un CDD de six mois, à mi-temps. La formule me convient. Horaires adaptés à mes besoins du moment (11h - 15h, du lundi au vendredi), bel établissement, collègues avenants, clientèle agréable (majoritairement des avocats), carte sympathique, sandwiches sophistiqués (mon met préféré, le wrap Manzo Tonato : roastbeef, thon, roquette, tomates séchées, tomates fraiches, vinaigre balsamique, aubergines grillées, parmesan).
30 décembre 2013 : J'achète un aller-retour, Bruxelles - Singapour, du 3 mai au 22 juillet 2014, afin de concrétiser mon envie de partir en voyage initiatique, de m’ouvrir l’esprit, de changer d’air.
4 avril 2014 : Je ne tiens plus le coup avec ma boss qui m'en fait voir de toutes les couleurs. Je me retire en arrêt maladie, avec le soutien de mon psychiatre, que je continue de voir une fois par semaine. Mais nerveusement, c'est déjà bien mieux que lorsque j'ai quitté mon boss à Paris.
19 avril 2014 : Soirée de départ au Belga, un bar de la Place E. Flagey. Plein de gens sont venus. J'en suis agréablement surprise. Même mon frère, avec qui j'ai dû échanger deux mots à tout casser, ce soir-là.
24 avril 2014 : Fiou. Je suis furieuse et peu apaisée avant de partir en Asie. Ma voisine du dessus m'invite à commencer un blog, pour me soulager la tête de mes angoisses de pré-départ.
30 avril 2014 : Premier concert de ma petite sœur en guitare-voix, à la Véraison. Je décide de me mettre sur mon 31. Une robe bleu électrique, achetée d’occasion (2,50 euros) qui fera partie de mon déguisement années 20 pour la deuxième partie de soirée, les 30 ans de ma voisine du dessous.
2 mai 2014 : Départ à Singapour.
5 mai 2014 : Je m’inscris à un workshop « Comment faire un blog professionnel », donné par Gala Darling, à Berlin.
18 mai 2014 : Décès d'Olivier.
21 mai 2014 : Rapatriement de Bangkok, au moment des émeutes.
23 mai 2014 : Enterrement d'Olivier.
24 juin 2014 : Rendez-vous chez le Dr. Remacle, à St-Luc, pour faire le point sur mes cordes vocales. L’opération aura lieu le 11 août 2014.
26 juin 2014 : J'achète mon aller-retour Bruxelles-Berlin.
Du 28 juin au 21 juillet 2014 : Je pars en vacances en France.
22 juillet 2014 : Je m'inscris sur Air Bnb, réserve une chambre à Kreuzberg, chez un Turc.
Du 23 au 27 juillet 2014 : Je m’éclate à Berlin. Deux erreurs : j'ai oublié d'annuler le rendez-vous du 25 juillet avec mon Roi Albert et j'ai donné un coup de fil à ma maman vers 5h du matin, le 26 juillet, au sujet d’Andreas Maan, l’Australien rencontré la veille et égaré suite à une baston près du bar où l’on buvait un verre.
28 juillet 2014 : Je rentre le cœur léger, voire presque amoureux à la maison. Je ne me fais pas une joie de revoir la famille. A peine dans la voiture qu'une énorme crise d'adulescence s'enclenche. Mes nerfs sont à vif, je ne dors pas beaucoup depuis trois semaines. J'ai à peine le temps de déballer mes valises que je me retrouve face à ma petite sœur, ma maman et leurs compagnons respectifs. Je ne gère pas. Douleurs. Cris. Bol jeté par terre. Insoutenable.
29 juillet 2014 : Je prends rendez-vous chez mon ostéopathe et chez mon Roi Albert. Urgent.
30 juillet 2014 : Mon ostéopathe me dénoue deux énormes tensions. J'en hurle de douleur. Effet d'un poignard. L'une au niveau du gros intestin, l'autre au niveau de la cheville droite, une zone associée à la protection de soi contre la pression extérieure. Aïe, ouch, ouch ! Je pleure, je ris, je me libère de la rage contenue en moi. Quant au rendez-vous chez mon psy, une catastrophe. Il me dit que je suis complètement à côté de la plaque, en pleine phase « haute », qu'il faut que je dorme, et que je prenne les médicaments qu'il me prescrit. Ce que je refuse de faire tant que je n’ai pas atterri et essayé des méthodes douces pour retrouver mon calme. Mon Roi Albert trouve que je lui manque de respect et me met à la porte. Au sortir de la séance, j'appelle ma maman pour lui faire part de mon désarroi et en retour, elle m'apprend que ça y est, pour la première fois, le diagnostic tombe. Je suis bipolaire.